Colloque

 

CAHIER N° 169

La guerre de 1914-1918, et après...

Communications - 18e printemps de l’histoire

 

Ouverture

Le colloque du printemps de l'histoire 2018

Claude Latta

Une guerre si longue
La célébration du centenaire de la guerre de 1914-1918 a rencontré en France un large écho. Les derniers poilus ayant disparu, le souvenir de ce qu'ils avaient vécu était désormais porté par les générations suivantes. Le désir de ne pas oublier de quels sacrifices et de quelles douleurs la défense de la patrie envahie avait été payée reste très fort ; les familles françaises ont toutes été frappées par le grand massacre des hommes happés dans l'enfer d'une guerre si longue et si meurtrière : 1 400 000 morts, 4 000 000 de blessés dont 600 000 mutilés, 500 000 prisonniers, 600 000 veuves de guerre, des familles décimées.
Et tant de souffrances physiques et morales, des hommes brisés, atteints dans leur chair et leur esprit : la guerre ce sont les camarades morts, les blessés qui appellent les secours ou qui prennent la gangrène dans des trains qui vont trop lentement vers les hôpitaux de l'arrière, les « gueules cassées », défigurés à perpétuité, les « disparus » (prisonniers ou morts) qu'on attendra jusqu'à la fin de la guerre. La guerre, c'est aussi apprendre à tuer, l'irruption d'une « violence de masse » qui marque de son sceau tout le XXe siècle, le sentiment d'avoir vécu quelque chose d'incommunicable.
Le papier jauni des archives
Les Français ont sorti des archives familiales les livrets militaires jaunis et les lettres de leurs grands-pères ou arrière-grands-pères, parfois des carnets qui avaient été écrits au jour le jour, les vieilles photos, les médailles et les décorations. Ils sont allés à la recherche des tombes oubliées, ont parfois écrit pour que perdure la mémoire familiale. Ils ont aussi donné ou mis en dépôt des documents familiaux aux Archives départementales qui avaient lancé une vaste collecte nationale.
On a tort d'opposer parfois la mémoire et l'histoire, elles se réveillent et se complètent l'une l'autre. C'est ce qui vient de se produire : la quête des mémoires familiales, l'étude des monuments aux morts, la recherche obstinée dans les archives a produit un certain nombre d'études que Village de Forez est fier d'avoir publiées.
Le travail des historiens
Village de Forez a pris en effet sa part de la commémoration et surtout de l'histoire de la Grande Guerre : trois colloques consacrés à la guerre de 1914-1918 ont été organisés, le premier plusieurs années avant le début du centenaire (colloque de 2006), le second en 2014, le troisième en 2018. Tous les Actes (les communications faites par les historiens présents) ont été publiés, parfois même, selon une nouvelle règle que nous nous sommes imposée, en même temps que le colloque lui-même. Déjà avant le centenaire, nous avions publié plusieurs articles de la revue Village de Forez et plusieurs Cahiers de Village de Forez à la Grande Guerre. Ils sont venus s'intégrer à notre bilan et ont été parfois réédités.
Un cours public donné au Centre social par Pascal Chambon et Claude Latta, a été consacré, comme une ultime révision avant les recherches, à l'histoire générale de la guerre (2013-2014). Un groupe de travail (2014-2015) animé par Maurice Damon et ouvert à tous ceux qui voulaient faire des recherches a fonctionné pendant plusieurs mois.

Notre bilan d'ensemble montre que nous avons exploré l'histoire des villages foréziens (Arthun, Gumières, Moingt, Saint-Bonnet-le-Courreau, Chalain-d'Uzore, Saint-Laurent-sous-Rochefort, Leigneux, Cellieu, Lérigneux) mais aussi des villes (Feurs, Boën, Montbrison) pendant la guerre, souvent à travers l'étude des monuments aux morts et des registres matricules des soldats (une source extraordinaire !). Nous avons publié des lettres et des carnets de soldats : Baptiste Faye, Jean Fauchet, l'aspirant Rambaud et d'autres. Des périodes de la guerre ont été spécialement étudiées (1914 à Montbrison) ou des batailles (le Kemmel).
Nous avons vu vivre les soldats à travers des théâtres d'opérations différents et des situations variées : la guerre de tranchées, bien sûr, la captivité, les fusillés pour l'exemple (colloque de 2006), le séjour dans les hôpitaux militaires, et même après-guerre, la recherche des tombes par les familles. Pour que personne ne soit oublié, nous publions ci-contre, les références des articles et cahiers consacrés à la Grande Guerre par Village de Forez. Remercions ici tous ceux qui ont participé à l'œuvre commune.
Le colloque de 2018
Avec ce colloque dont vous allez lire les communications, nous sommes presque au terme du cycle de commémorations qui vient de s'écouler : la parution des Actes est faite le jour même du colloque ; Village de Forez remercie les auteurs d'avoir fait cet effort de donner leur texte à l'avance. Vous allez trouver les études de Marc Fournier, Gabriel Mas, Michel Giraud et Pascal Chambon, qui, dans la variété de leurs approches expriment la complexité d'une période.
La situation des femmes pendant la guerre, à travers le destin de Colette, la grande romancière, l'évocation des Françaises anonymes, le sort des étrangers, leur participation à l'effort de la nation, les ravages causés par la grippe espagnole dans toutes les catégories de la population et, pour terminer, parce que la guerre laisse des traces matérielles, le portrait que Pascal Chambon fait de Jean-Luc Pamart, le « paysan des poilus ». Celui-ci collecte et étudie les vestiges laissés dans les champs de bataille et a trouvé ainsi le chemin d'une nouvelle démarche anthropologique et muséographique.
Enfin, nous faisons suivre cette introduction d'un rappel des événements de l'année 1918 : comme les études publiées sont plus thématiques que chronologiques, ce sera le moyen de retrouver les événements évoqués et de comprendre les aspects dramatiques et paradoxaux de cette dernière année d'une guerre qui, cent ans après, résonne encore dans le cœur de nos contemporains.

Claude Latta

Les cahiers de Village de Forez sont publiés par
le Groupe d’histoire locale du centre social de Montbrison.